La crise sanitaire a montré qu’une organisation différente, nouvelle, transformée des entreprises était possible. Moins pyramidale, moins hiérarchisée, moins descendante, plus partenariale, plus participative, plus en quête de sens et de valeurs - DR : DepositPhotos.com, racorn
2021 clôturera-t-elle un cycle entamé l’année précédente, en 2020, lorsqu’un virus d’abord circonscrit dans quelques villes chinoises, que l’on voyait à la télévision, comme lointaines et inaccessibles ?
Ou marquera-t-elle le début d’une nouvelle ère ?
Qui se souvient encore aujourd’hui de ces dizaines de grues multicolores, terrassant le sol à défaut d’en faire autant avec le virus, afin de bâtir un hôpital de mille lits en moins de dix jours ?
Le temps court semble pourtant si long, le virus s’est propagé dans le monde à la vitesse des avions qui rapidement restèrent au sol.
Qui se rappelle du patient zéro dans l’Oise, des passagers français d’un vol en provenance de Wuhan mis en quarantaine dans un centre de vacances de Carry-le-Rouet, dans les Bouches du Rhône ?
Le lien, qui semblait ténu au commencement, entre crise sanitaire à l’échelle du monde et économie touristique s’est amplifié au fil des semaines puis des jours, jusqu’à la succession de confinements et de réouvertures aux périmètres différents selon les territoires, les régions, les pays.
2020 aura été marqué par plusieurs mots. Si l’exercice m’avait été proposé l’année dernière, j’aurais proposé sans nul doute « inédit » et « monde d’après » comme synthèse des douze mois passés au rythme incertain de la découverte d’un virus, de son origine, de son expansion, des réponses apportées.
En quelques mois, nous étions passés d’une situation « de guerre » à la recherche « des jours heureux ».
Ou marquera-t-elle le début d’une nouvelle ère ?
Qui se souvient encore aujourd’hui de ces dizaines de grues multicolores, terrassant le sol à défaut d’en faire autant avec le virus, afin de bâtir un hôpital de mille lits en moins de dix jours ?
Le temps court semble pourtant si long, le virus s’est propagé dans le monde à la vitesse des avions qui rapidement restèrent au sol.
Qui se rappelle du patient zéro dans l’Oise, des passagers français d’un vol en provenance de Wuhan mis en quarantaine dans un centre de vacances de Carry-le-Rouet, dans les Bouches du Rhône ?
Le lien, qui semblait ténu au commencement, entre crise sanitaire à l’échelle du monde et économie touristique s’est amplifié au fil des semaines puis des jours, jusqu’à la succession de confinements et de réouvertures aux périmètres différents selon les territoires, les régions, les pays.
2020 aura été marqué par plusieurs mots. Si l’exercice m’avait été proposé l’année dernière, j’aurais proposé sans nul doute « inédit » et « monde d’après » comme synthèse des douze mois passés au rythme incertain de la découverte d’un virus, de son origine, de son expansion, des réponses apportées.
En quelques mois, nous étions passés d’une situation « de guerre » à la recherche « des jours heureux ».
2021 : fin d’un cycle ou début d’une nouvelle ère ?
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Les indicateurs macroéconomiques ont repris depuis belle figure - ou beau profil - dans les pays à économie développée (avec un taux de croissance parfois le plus élevé depuis l’immédiate après-seconde guerre mondiale, un taux de chômage au plus bas ou presque, etc.).
Bien sûr, on peut gloser sur le taux d’endettement qui a explosé. Le « quoi qu’il en coûte » va coûter cher et longtemps.
Mais la crise économique n’est pas à l’ordre du jour, ou presque. Malgré l’inflation qui s’annonce et qui va, vraisemblablement, effacer les effets du surcroît d’épargne généré pendant la crise sanitaire et des plans de relance.
Cependant, cette crise analysée comme conjoncturelle n’a fait que révéler ou amplifier des tendances structurelles que le « monde d’avant » tentait de masquer.
Le mot qui synthétise l’année 2021 dans le monde du tourisme est, à mes yeux, « transformation ». La transformation sous toutes ses formes et vue sous tous les angles : la transformation comme un changement engagé profond et structurel, la transformation comme l’amorce d’une évolution encore timide mais visible, et puis le déni de conversion ou de refus d’embrasser ce qui n’est pas encore compris comme une transformation inéluctable.
Bien sûr, on peut gloser sur le taux d’endettement qui a explosé. Le « quoi qu’il en coûte » va coûter cher et longtemps.
Mais la crise économique n’est pas à l’ordre du jour, ou presque. Malgré l’inflation qui s’annonce et qui va, vraisemblablement, effacer les effets du surcroît d’épargne généré pendant la crise sanitaire et des plans de relance.
Cependant, cette crise analysée comme conjoncturelle n’a fait que révéler ou amplifier des tendances structurelles que le « monde d’avant » tentait de masquer.
Le mot qui synthétise l’année 2021 dans le monde du tourisme est, à mes yeux, « transformation ». La transformation sous toutes ses formes et vue sous tous les angles : la transformation comme un changement engagé profond et structurel, la transformation comme l’amorce d’une évolution encore timide mais visible, et puis le déni de conversion ou de refus d’embrasser ce qui n’est pas encore compris comme une transformation inéluctable.
Une transformation du marché du travail
La première transformation souligne de nouvelles pratiques sociales et plus largement culturelles. On pourrait même écrire que c’est bien d’une véritable révolution sociale qu’il s’agit et d’une révolution du marché de l’emploi.
Par essence ou par définition, ce dernier est « le lieu théorique de rencontre de l’offre de force de travail, de savoir-faire et de compétences et de la demande solvable de travail ». Autrement dit le lieu, toujours théorique entre l’offre fourni par les entreprises et la demande exprimée par les futurs salariés.
Peut-on penser en cette fin d’année que le marché du travail du tourisme traverse plus une tempête ? Les douze mois qui viennent de s’écouler ont fait la part belle à une actualité duale.
D’un côté les journaux ont regorgé d’articles, de billets et de chroniques sur les emplois vacants dans le secteur du tourisme, avec un nombre incertain mais très important identifié dans les statistiques de l’INSEE, compris entre 100 000 et 250 000 selon le périmètre considéré.
L’offre d’emplois existe, nombreuse. De l’autre côté, la demande, elle, semble avoir disparu.
Une vérité s’affirme, chaque semaine, du manque d’attractivité des emplois dans le tourisme. Les douze derniers mois ont révélé la transformation drastique des attentes des demandeurs.
Une partie des salariés, présents, ex ou futurs, du tourisme ont manifesté leur volonté d’exprimer leurs attentes et leurs nouvelles exigences. Exigences en matière de rémunération, de rythme, d’équilibre.
La première transformation correspond à l’affirmation d’une réalisation ou d’un bonheur individuel qui ne sacrifie pas la vie personnelle et signifie que les avancées obtenues lors des confinements sont considérées comme irréversibles.
Par essence ou par définition, ce dernier est « le lieu théorique de rencontre de l’offre de force de travail, de savoir-faire et de compétences et de la demande solvable de travail ». Autrement dit le lieu, toujours théorique entre l’offre fourni par les entreprises et la demande exprimée par les futurs salariés.
Peut-on penser en cette fin d’année que le marché du travail du tourisme traverse plus une tempête ? Les douze mois qui viennent de s’écouler ont fait la part belle à une actualité duale.
D’un côté les journaux ont regorgé d’articles, de billets et de chroniques sur les emplois vacants dans le secteur du tourisme, avec un nombre incertain mais très important identifié dans les statistiques de l’INSEE, compris entre 100 000 et 250 000 selon le périmètre considéré.
L’offre d’emplois existe, nombreuse. De l’autre côté, la demande, elle, semble avoir disparu.
Une vérité s’affirme, chaque semaine, du manque d’attractivité des emplois dans le tourisme. Les douze derniers mois ont révélé la transformation drastique des attentes des demandeurs.
Une partie des salariés, présents, ex ou futurs, du tourisme ont manifesté leur volonté d’exprimer leurs attentes et leurs nouvelles exigences. Exigences en matière de rémunération, de rythme, d’équilibre.
La première transformation correspond à l’affirmation d’une réalisation ou d’un bonheur individuel qui ne sacrifie pas la vie personnelle et signifie que les avancées obtenues lors des confinements sont considérées comme irréversibles.
Une transformation des organisations
La deuxième transformation caractérise les organisations. La crise sanitaire a inversé le modèle traditionnel du marché de l’emploi.
Historiquement les entreprises le dominaient en définissant les règles du jeu, à la fois en matière d’organisation des rythmes et des équipes, en matière de rémunération et de management.
Le manque de considération, les salaires bas ou les rythmes de travail parfois ubuesques semblent aujourd’hui appartenir à une autre époque, comme révolus ou rendus anachroniques.
La crise sanitaire a montré par la force des choses qu’une organisation différente, nouvelle, transformée des entreprises était possible. Moins pyramidale, moins hiérarchisée, moins descendante, plus partenariale, plus participative, plus en quête de sens et de valeurs.
Les organisations doivent évoluer et continuer de le faire. Travailler constitue une nécessité pour tout être humain, bien entendu, à la condition nouvelle que cette activité réponde à un engagement, qu’elle soit dictée par une recherche de sens et par des valeurs partagées.
Les organisations vont continuer à se transformer, c’est une certitude. Le tourisme en sera un laboratoire passionnant. D’autant qu’il semble parfois que les pratiques anciennes veulent ressurgir, en matière de recrutement par exemple.
Il faudra par exemple accepter de recruter des candidats en reconversion mais sans expérience dans le domaine, prouvant ainsi que le savoir-être doit être aussi important que le savoir-faire dans une équipe.
Il faudra également s’ouvrir à de nouvelles mains-d’œuvre, un peu comme d’autres secteurs le firent dans les années 1960.
Cette transformation des organisations ne pourra pas aller sans remise en cause des pratiques managériales et de leadership.
Les entreprises ne pourront plus avancer, recruter, être attractive et compétitive sans cap précis, sans stratégie affirmée, en intégrant le bien-être des salariés comme valeur cardinale ou socle fondamental.
Historiquement les entreprises le dominaient en définissant les règles du jeu, à la fois en matière d’organisation des rythmes et des équipes, en matière de rémunération et de management.
Le manque de considération, les salaires bas ou les rythmes de travail parfois ubuesques semblent aujourd’hui appartenir à une autre époque, comme révolus ou rendus anachroniques.
La crise sanitaire a montré par la force des choses qu’une organisation différente, nouvelle, transformée des entreprises était possible. Moins pyramidale, moins hiérarchisée, moins descendante, plus partenariale, plus participative, plus en quête de sens et de valeurs.
Les organisations doivent évoluer et continuer de le faire. Travailler constitue une nécessité pour tout être humain, bien entendu, à la condition nouvelle que cette activité réponde à un engagement, qu’elle soit dictée par une recherche de sens et par des valeurs partagées.
Les organisations vont continuer à se transformer, c’est une certitude. Le tourisme en sera un laboratoire passionnant. D’autant qu’il semble parfois que les pratiques anciennes veulent ressurgir, en matière de recrutement par exemple.
Il faudra par exemple accepter de recruter des candidats en reconversion mais sans expérience dans le domaine, prouvant ainsi que le savoir-être doit être aussi important que le savoir-faire dans une équipe.
Il faudra également s’ouvrir à de nouvelles mains-d’œuvre, un peu comme d’autres secteurs le firent dans les années 1960.
Cette transformation des organisations ne pourra pas aller sans remise en cause des pratiques managériales et de leadership.
Les entreprises ne pourront plus avancer, recruter, être attractive et compétitive sans cap précis, sans stratégie affirmée, en intégrant le bien-être des salariés comme valeur cardinale ou socle fondamental.
Une transformation du modèle touristique français
La dernière transformation distingue le modèle touristique français. Les plans de relance et de reconquête fixent un cap, à toutes les échelles.
Retrouver les dynamiques de jadis, emprunter de nouveau les chemins glorieux des croissances discontinues de visiteurs et de fréquentations, courir après le mirage toujours contesté de la place occupée par la France sur le podium du tourisme mondial.
Puisque la métaphore sportive est souvent utilisée, nous entrons dans une période qui va mettre la lumière sur notre pays. En 2023, la Coupe du monde de rugby va être organisée en France. L’année suivante, les Jeux Olympiques vont braquer les feux médiatiques sur Paris pendant deux semaines.
Même si ce ne sont que quelques centaines de milliers de visiteurs nationaux ou internationaux qui franchissent les portes des enceintes sportives lors de chaque évènement, il ne faut pas oublier que l’héritage de telles organisations peut s’inscrire dans la durée et constituer le début d’une nouvelle histoire.
Londres en 2012 en est l’un des derniers exemples. La ligne 1 du métro parisien a été construite à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, elle est encore aujourd’hui la ligne la plus fréquentée par les touristes dans la capitale, desservant notamment Bastille, le Louvre et les Champs-Élysées.
Le modèle touristique français doit profiter de ces deux évènements pour se refonder. A la fois en matière d’infrastructures comme d’offres touristiques, mais aussi de modèle social et économique.
La ligne du Grand Paris Express doit par exemple permettre de penser la région parisienne autrement. Les soixante nouvelles gares et leurs quartiers doivent devenir des territoires d’expérimentation du tourisme urbain de demain.
Quels hébergements, quels loisirs, quels musées ? C’est l’endroit idéal pour prouver au monde, mais surtout à nous-mêmes, que la France universelle n’a pas disparu et n’a pas sombré dans un discours étroit, rabougri et nationaliste.
Car le modèle touristique français est tout autre : ouvert, généreux et flamboyant.
Oui, le modèle touristique français doit être réinventé, en profitant de la diversité culturelle de nos villes et de nos quartiers, de la multitude des projets lancés partout dans le territoire pour un tourisme plus social, plus solidaire, plus écologique.
Car le modèle du tourisme français reste à inventer. Moins quantitatif et plus qualitatif.
Et de cette dynamique, de ce que nous aurons à dire au monde, c’est un peu de la France du 21e siècle qui en découlera.
Retrouver les dynamiques de jadis, emprunter de nouveau les chemins glorieux des croissances discontinues de visiteurs et de fréquentations, courir après le mirage toujours contesté de la place occupée par la France sur le podium du tourisme mondial.
Puisque la métaphore sportive est souvent utilisée, nous entrons dans une période qui va mettre la lumière sur notre pays. En 2023, la Coupe du monde de rugby va être organisée en France. L’année suivante, les Jeux Olympiques vont braquer les feux médiatiques sur Paris pendant deux semaines.
Même si ce ne sont que quelques centaines de milliers de visiteurs nationaux ou internationaux qui franchissent les portes des enceintes sportives lors de chaque évènement, il ne faut pas oublier que l’héritage de telles organisations peut s’inscrire dans la durée et constituer le début d’une nouvelle histoire.
Londres en 2012 en est l’un des derniers exemples. La ligne 1 du métro parisien a été construite à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, elle est encore aujourd’hui la ligne la plus fréquentée par les touristes dans la capitale, desservant notamment Bastille, le Louvre et les Champs-Élysées.
Le modèle touristique français doit profiter de ces deux évènements pour se refonder. A la fois en matière d’infrastructures comme d’offres touristiques, mais aussi de modèle social et économique.
La ligne du Grand Paris Express doit par exemple permettre de penser la région parisienne autrement. Les soixante nouvelles gares et leurs quartiers doivent devenir des territoires d’expérimentation du tourisme urbain de demain.
Quels hébergements, quels loisirs, quels musées ? C’est l’endroit idéal pour prouver au monde, mais surtout à nous-mêmes, que la France universelle n’a pas disparu et n’a pas sombré dans un discours étroit, rabougri et nationaliste.
Car le modèle touristique français est tout autre : ouvert, généreux et flamboyant.
Oui, le modèle touristique français doit être réinventé, en profitant de la diversité culturelle de nos villes et de nos quartiers, de la multitude des projets lancés partout dans le territoire pour un tourisme plus social, plus solidaire, plus écologique.
Car le modèle du tourisme français reste à inventer. Moins quantitatif et plus qualitatif.
Et de cette dynamique, de ce que nous aurons à dire au monde, c’est un peu de la France du 21e siècle qui en découlera.
Brice Duthion - DR
Brice Duthion est manager du projet Campus sud des métiers tourisme de la CCI Nice Côte d'Azur. Il est également consultant et expert indépendant en tourisme, culture et développement territorial. Il intervient auprès de nombreux acteurs publics et privés, est expert auprès de l'Open Tourisme Lab, du CNFPT et de l'INSET de Dunkerque et fait partie de l'équipe des blogueurs du site etourisme.info.
Il a été auparavant maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (Le Cnam), enseignant et tuteur à l'Ecole Urbaine de Sciences Po Paris, vice-président de la Conférence des formations d’excellence en tourisme (CFET) et membre fondateur de l'Institut Français du Tourisme (IFT).
Brice Duthion est l'auteur de nombreux ouvrages et articles spécialisés en tourisme. Il a assuré la direction de la collection "tourisme" aux éditions de Boeck supérieur. Il est, enfin, l'auteur de plusieurs MOOC mis en ligne sur France Université Numérique (FUN).
brice.duthion@cote-azur.cci.fr
Il a été auparavant maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (Le Cnam), enseignant et tuteur à l'Ecole Urbaine de Sciences Po Paris, vice-président de la Conférence des formations d’excellence en tourisme (CFET) et membre fondateur de l'Institut Français du Tourisme (IFT).
Brice Duthion est l'auteur de nombreux ouvrages et articles spécialisés en tourisme. Il a assuré la direction de la collection "tourisme" aux éditions de Boeck supérieur. Il est, enfin, l'auteur de plusieurs MOOC mis en ligne sur France Université Numérique (FUN).
brice.duthion@cote-azur.cci.fr